MISS ISLANDE | AUDUR AVA OLAFSDOTTIR

Auteur : Audur Ava Olfasdottir
Edition : Zulma
Parution : 2019
Pages : 288
Prix : 20,50€




Islande, 1963 – cent quatre-vingt mille habitants à peine, un prix Nobel de littérature, une base américaine, deux avions transatlantiques, voilà pour le décor. Hekla, vingt et un ans, emballe quelques affaires, sa machine à écrire, laisse derrière elle la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavík avec quatre manuscrits au fond de sa valise. Il est temps pour elle d’accomplir son destin : elle sera écrivain.
Sauf qu’à la capitale, on lui conseille de tenter sa chance à l’élection de Miss Islande au lieu de perdre son temps à noircir du papier. Entre deux petits boulots, Hekla se réfugie chez Ísey, amie d’enfance convertie en mère de famille par un amour de vacances. Ou auprès de Jón John, fils illégitime d’un soldat américain qui rêve de quitter son île pour vivre de stylisme et de l’amour d’un autre homme… 



Miss Islande, c'est un livre qui fait "wouah" une fois qu'on l'a refermé. Miss Islande, c'est un roman qui laisse perplexe tout au long de sa lecture. Où l'auteur veut-elle nous emmener ? C'est un livre qui marque, qui fait réfléchir, auquel on repense, qu'on réinterprête, dont on se souvient.

L'histoire commence avec Hekla, dont on découvre rapidement l'enfance. Hekla est une jeune fille pleine de vie, qui cherchera à marquer et bousculer sa société. Comment une femme de cette époque peut-elle vouloir écrire ? Les femmes ne sont bonnes qu'à être belles, à enfanter et s'occuper du foyer. Mais bien sûr, Hekla ne l'entend pas de cette oreille. Alors qu'elle arrive dans la capitale, Hekla trouve un petit boulot qui lui permet de subvenir à ses besoins. Hekla écrit tout le temps, mais surtout la nuit. L'écriture lui permet de survivre et d'apporter de la couleur à sa vie. Car à cette époque, les femmes n'ont pas beaucoup de loisirs.

L'écriture de l'auteur est particulière. Saccadée au début, on se fait très vite à ce rythme efficace qui ne perd pas de temps. Ici et là, des détails qui ont leur sens et qui suffisent à s'imprégner de cette ambiance. Une jolie peinture sociale d'une époque qu'on ne connait que très peu.

On rencontre également Isey, une très bonne amie de Hekla, qui a suivi quant à elle un schéma plus traditionnel. Mariée très jeune, elle est déjà maman d'une petite fille et vit dans un logement très modeste, attendant que son mari rentre tout en s'occupant de sa fille et de son foyer. Néanmoins, elle prend également plaisir à noircir des pages, à raconter des histoires, à immortaliser par exemple le quotidien d'une voisine. Malheureusement, Isey n'a que peu d'estime pour son travail d'écrivain en herbe et ne se sent pas la légitimité de partager ses écrits. Toutefois, on se rend vite compte que l'écriture lui apporte une lumière dans son quotidien et lui donne un véritable sens.

Le parallèle à l'Art est également intéressant si on évoque l'ami masculin d'Hekla, Jon John, qui lui aussi s'est perdu dans cette époque. Ils seront là l'un pour l'autre pour rester ce qu'ils sont, assumer, et ne pas stagner dans des cases prédestinées. En effet, Jon John rêve de tissu, de mode, de couleur et offre d'ailleurs régulièrement des vêtements à Hekla. Ils seront très proches, une amitié sincère et belle entre un homme et une femme avec aucune ambiguité. Jon John aime les hommes, et Hekla se plait à être seule, même si elle tentera une idylle qui ne donnera pas grand chose. Ces trois personnages se rejoignent par une amitié très forte mais également parce qu'ils sont en marge de la société avec leur attrait pour des domaines qu'ils n'ont pas réellement le droit d'apprécier.

En ce qui me concerne, j'avoue avoir été décontenancée au début par l'écriture mais surtout car je me demandais où l'auteur voulait m'emmener. J'attendais une réelle intrigue, avec des rebondissements. En fait, l'auteur nous propose une fenêtre ouverte sur un passage de la vie de nos protagonistes, surtout sur la vie de Hekla. Nous sommes spectateurs de ses agissements, dans une temporalité abstraite et nous assistons aux choix forts des personnages. Il n'y a pas de réelle histoire, juste un oeil dans la vie de Hekla, tel un cadeau que l'auteur nous fait. Nous sommes témoins d'une époque d'injustices, d'une époque pas si lointaine que nous voudrions bousculer également. J'ai été happée par cette histoire quand j'ai compris ce que l'auteur voulait me donner. Le moment le plus prenant a été celui où j'ai refermé ce livre plein de poésie, et où j'ai vraiment compris le but de l'auteur. Elle ne souhaite pas nous proposer ici un récit rebondissant avec beaucoup de suspens. Elle a voulu nous représenter ce qu'a été le quotidien de trop nombreux hommes et femmes qui ne sont pas nés à la bonne époque et qui voulait voler de leurs propres ailes.

J'ai, en outre, et avec le recul, beaucoup aimé le style d'écriture qui, comme je le disais, m'a un peu perturbée au début de ma lecture. Le style est efficace et ne s'embarrasse pas de détails futiles. Néanmoins, quelque chose est resté sans réponse à mes yeux. L'auteur utilise un mot, quasiment à toutes les pages et parfois plusieurs fois par paragraphe. Il s'agit du mot "café". Il est vrai que très souvent, nos personnages se retrouvent face à une tasse de café. Y'avait-il là une métaphore que je n'ai pas comprise ? Un sens caché ? Ou simplement une coutume de l'époque ? Je pense découvrir très prochainement d'autres romans de l'auteur tels que Rosa Candida ou L'Exception, peut-être trouverai-je réponse à ma question...


Pour conclure, une très jolie poésie qui nous est proposée ici par cette auteur islandaise que j'aurai certainement la joie de rencontrer lors du printemps du livre de Grenoble. Une peinture de la société islandaise du XXè siècle représentée par des personnages perdus dans la mauvaise époque car trop en avance sur leur temps. Un livre poignant que je recommande pour sa délicatesse et son discours.

Commentaires

Articles les plus consultés